L’atelier est un lieu essentiel pour l’artiste où il conçoit, il fabrique, il expose et il vend sa production. L’atelier d’un sculpteur doit permettre d’accueillir des œuvres de dimensions importantes et des pratiques artistiques parfois encombrantes ; il s’agit d’un lieu où eau, feu, bruit et poussière se côtoient.
© CNMN 2020 / Vincent Montel
L’atelier réunit plusieurs acteurs : le ou les maîtres d’œuvres, les artistes installés dans leur pratique à la tête de l’atelier, et les apprentis qui se forment auprès d’eux. De ce fait, l’atelier permet un dialogue entre le maître, les élèves et les commanditaires. Il est nommé bottega qui signifie « boutique » en italien et manifeste sa dimension commerciale.
Lieu d’échange, l’atelier peut également être l’endroit où l’artiste vit avec sa famille. Les enfants grandissent alors dans la pratique artistique familiale et s’en s’imprègnent, comme ce fut le cas pour Léopold et Marcel Mérignargues.
© CNMN 2020 / Vincent Montel
La maison-atelier est un lieu de diffusion du savoir qui réunit espace de vie et lieu de travail d’un artiste. Vivre au sein de son atelier et être entouré d’œuvres en permanence stimule la créativité d’un artiste ; c’est notamment le cas de Marcel Mérignargues qui grandit dans la maison-atelier de son père, située à Nîmes.
L’environnement dans lequel évolue quotidiennement Marcel dès son enfance est une maison jonchée de sculptures du sol au plafond, dans laquelle son père Léopold dessine, conçoit, pratique le moulage, le modelage, prépare ses cours pour l’École des Beaux-Arts de Nîmes. Elle joue un rôle primordial dans le développement personnel et artistique du fils Mérignargues.
La maison-atelier est restée pendant plusieurs décennies figée, comme un lieu de mémoire : de la vie d’une famille et des pratiques artistiques de deux générations de sculpteurs.
L’admiration que Marcel voue à son père s’exprime à travers sa production, notamment par son utilisation constante du plâtre, matériau qui peut renvoyer au travail d’ornemaniste de Léopold.
Au cours de sa formation, Marcel immortalise l’image de son père dans la matière à de multiples reprises. L’omniprésence de la figure paternelle dans le travail de Marcel traduit son affection pour celui qui fut autant son père que son maître.
Sculpteur, ornemaniste, Léopold est également professeur de moulage à l’École des Beaux-Arts de Nîmes à partir de 1893. Il représente pour Marcel un mentor et un exemple à suivre dans les étapes de sa formation. Lorsque le père et le fils sont séparés, leur relation persiste à travers de nombreux échanges.
Pour le concours du Prix de Rome de 1914, Marcel choisit de présenter une sculpture illustrant La Mort de Léandre. Tout au long de la conception de son œuvre, Marcel photographie certaines étapes de la création qu’il fait parvenir à son père afin d’obtenir un regard critique sur son travail. Le jugement du maître apparaît tout aussi essentiel que l’approbation du père.
La maison-atelier est un espace dédié à l’exposition et à la vente des œuvres, devenant un lieu commercial. Dans l’ensemble de la maison-atelier des Mérignargues, de nombreuses œuvres sont exposées, notamment des décors en staff pour les plafonds. Elles sont photographiées et présentées dans des catalogues que les artistes fournissent à leurs acheteurs potentiels. Chaque sculpture est numérotée et les numéros se rapportent aux photographies dans leur catalogue. Le client peut ainsi commander à l’artiste l’œuvre de son choix en lui indiquant le numéro de la sculpture désirée.
Une lettre de Léopold Mérignargues témoigne du travail de mise en vente de ses sculptures, notamment de ses décors en staff :
« À cette époque où le goût de la décoration intérieure s’affirme et se développe de plus en plus, permettez-moi d’appeler votre attention sur un nouveau genre de décoration intérieure en staff ; cette façon de décorer, bien supérieure à l’ancienne qui était toute en plâtre, donne un travail d’une légèreté, d’un fini et d’une solidité parfaite ne craignant ni les cassures ni l’humidité.
Mes plafonds en staff s’exécutent dans tous les styles. Je m’applique à en rendre l’exécution parfaite et j’espère, Monsieur, que si vous voulez bien honorer ma maison de votre confiance, vous serez entièrement satisfait. » (Nîmes, Archives départementales du Gard, Fonds Mérignargues, 214J12).
© collection privée