Il existe dès l’Antiquité des œuvres liées aux arts militaires. Divinités guerrières, allégories, grandes figures militaires ou célébrations de batailles, elles sont érigées à la gloire des vainqueurs, au détriment des vaincus. À partir de la guerre franco-prussienne de 1870, des œuvres dont le but est de dénoncer les hostilités apparaissent dans la sculpture française. Ce conflit et la Première Guerre mondiale sont des affrontements qualifiés de « modernes », compte-tenu de leur violence et du nombre de morts.
La brutalité des combats s’impose profondément dans les esprits, et les artistes cherchent à témoigner au mieux de ces atrocités.
Désormais, horreur et héroïsme investissent les représentations sculptées. Marcel Mérignargues a par exemple modelé deux figurines de soldats fixés dans une attitude et un état d’esprit opposés : l’un est fataliste, désespéré, et l’autre triomphant, telles les deux faces d’une même médaille.
Les sculptures participent à la mémoire collective, en matérialisant l’Histoire dans la matière. Elles peuvent se concevoir comme un témoignage d’autant plus fort que de nombreux artistes ont été mobilisés durant la guerre, parmi lesquels Marcel Mérignargues. Libéré de ses obligations militaires, il dessine ses compagnons d’hospitalisation et le personnel soignant lors d’une convalescence dans un hôpital de Bordeaux en 1919.
Les monuments aux morts
Marcel Mérignargues a notamment travaillé au monument aux morts d’Alès, inauguré en 1925. La structure générale est celle d’un portique en pierre, rythmée par quatre scènes en bas-reliefs. L’une d’elles, LesNettoyeurs, représente trois soldats dans un espace envahi de nuages nés d’une explosion. Les bas-reliefs du monument peuvent être interprétés comme des témoignages de ce qu’a vécu l’artiste durant la guerre.
Marcel Mérignargues conçoit d’autres bas-reliefs qui explorent la réalité du conflit. Les épreuves de la guerre souligne la dure expérience du quotidien, et met en lumière les civils, victimes innocentes et anonymes. Dans cette composition, une femme, un enfant et un vieillard sont recroquevillés sur un banc tandis que derrière eux sévit la Faucheuse avec des soldats placés à sa droite. En quelques figures, la population française est symbolisée unie dans la douleur.
Au début du XXe siècle, un des rôles du musée Grévin est de présenter des scènes historiques et d’actualités. Entre 1915 et 1920, vingt-sept « tableaux » de cire à visée pédagogique sont créés autour du thème de la Grande Guerre. Certaines statues ont été commandées à Marcel Mérignargues, dont celles du général Joffre (1852-1931) et de l’homme politique président du Conseil des ministres Aristide Briand (1862-1932).
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Monument aux morts de Bellegarde
Le Monument aux morts de Bellegarde, inauguré en 1927, est un exemple de l’art mémoriel français. Durant l’entre-deux-guerres, de nombreux édifices ont été érigés pour inviter le spectateur au respect et au recueillement. Ces lieux de commémoration s’offrent dans l’espace public comme une réflexion face aux sacrifices des soldats pour la paix et la défense de la Nation.
Ce projet commandé par la ville a été conçu par Marcel Mérignargues en collaboration avec l’architecte Paul Chabert (1874-1946), comme le rappelle leurs deux noms gravés sur le monument. L’emplacement du Monument aux morts face à l’école communale souligne sa valeur mémorielle et exemplaire pour les jeunes générations.
Vêtu de son uniforme et tenant dans ses bras le drapeau de la France, le soldat, tête haute, s’appuie contre une stèle funéraire dont la hauteur indique l’importance du monument aux yeux des passants. Le piédestal comporte une couronne de laurier, symbole de la renommée, associée à la palme du martyre. Le soldat s’illustre ainsi tel un héros qui défend la Nation au prix de sa vie.
L’inscription rend hommage aux habitants de Bellegarde, reconnus comme héros des conflits de la Première et Seconde guerre mondiale, d’Indochine et d’Algérie. La mention « pro patria » souligne leur dévouement à la patrie tandis que la présence du blason de la ville renforce le lien entre la commune et la Nation.
Le choix des matériaux renforce la fonction du monument. La pierre calcaire, grâce à sa solidité, assure la pérennité du souvenir des soldats tombés au combat.
Le saviez-vous
La victoire de 1918 a été un facteur déterminant dans l’origine de l’édification des Monuments aux morts. Ainsi, entre 1920 et 1925, 35 000 monuments ont été érigés dans toute la France.