Le regard porté sur l’Antiquité est redéfini à la Renaissance avec l’étude des textes et le développement de l’antiquariat. La découverte de vestiges anciens nourrit une curiosité pour des monuments et des œuvres provenant d’un autre temps. Ils sont alors considérés comme des modèles, un idéal absolu qui devient un fondement de la théorie de l’art et stimule la création encore au XXe siècle, comme en témoigne le fonds d’atelier des Mérignargues.
Les références antiques traversent les âges de manière directe ou plus détournée. Durant le Moyen Âge, il est courant de réemployer des fragments de colonnes, chapiteaux, frises et autres de structures anciennes dans l’architecture. La sculpture médiévale imprégnée du christianisme métamorphose les motifs antiques : elle crée un lien subtil entre les époques en fusionnant les expressions artistiques.
Les artistes de la Renaissance, fortement influencés par les formes gréco-romaines, s’inspirent des principes d’’harmonie accordés à ces œuvres.
Ces notions, qui définissent l’art dit « classique » s’imposent comme une source incontournable, dûment enseignée et étudiée.
Les Mérignargues, eux-aussi, s’adonnent à l’analyse de l’art des anciens. La maison-atelier renfermait de nombreuses copies d’antiques, moulées notamment sur des monuments de la région. Ils disposaient également d’un répertoire de modèles issu par exemple de reproductions réalisées par le musée du Louvre mais aussi de photographies et de cartes postales dont les deux sculpteurs pouvaient ponctuellement tirer leur inspiration.
La mythologie, et avec elle la représentation d’un corps idéal et des récits inspirants, est un thème privilégié : la matérialité inhérente à la sculpture permet en effet d’incarner une perception intemporelle des dieux et des héros.
Les Mérignargues puisent de différentes façons dans cette source d’inspiration. Léopold réutilise des éléments architecturaux antiques pour concevoir ses décors : médaillons, reliefs d’inspiration Renaissance et mascarons, visage ou masque à but apotropaïque (qui éloigne le mauvais œil). Par ailleurs, les deux sculpteurs illustrent des sujets antiques, parfois, pour Léopold, en passant par le filtre de réinterprétation de l’antique par des artistes modernes tel que Clodion. Marcel a lui conçut une Étude pour Amphitrite, sculpture en terre cuite évoquant la déesse et la personnification de la Mer.
© Université Paul-Valéry Montpellier 3 / Alexandre Eliazord et Dana Ponce
L’influence de la statuaire antique se constate également, notamment dans la représentation du nu. Un soin particulier est accordé à la représentation du corps humain, avec une abondance de détails, et une grande précision dans la définition des muscles du corps en mouvement. Le portrait est également mis à l’honneur, en témoignent les nombreux bustes de la collection.
© Université Paul-Valéry Montpellier 3 / Alexandre Eliazord et Dana Ponce
Au cours de leur carrière, Léopold et Marcel Mérignargues se sont tous les deux consacrés à la sculpture ornementale. Dans ce domaine, leur invention s’est nourrie de leur connaissance des modèles anciens, de l’Antiquité et de la Renaissance, ou d’œuvres d’artistes plus récents, comme en témoigne le médaillon représentant une Faunesse assise portant un petit faune. Réalisée par Léopold, l’œuvre est largement inspirée du travail de Claude Michel, dit Clodion (1738-1814).
Dans la collection des Mérignargues, la flore s’illustre principalement sous forme de reliefs, une forme de sculpture qui peut donner l’impression que les fleurs se fondent dans le décor, bien qu’elles puissent tout à fait en être le centre. Ces motifs floraux permettent de compléter la sculpture et créent une véritable harmonie au sein de l’œuvre. La faune est également mise à l’honneur dans la collection, par de minutieuses statuettes en ronde-bosse, à l’effigie de félins ou de chiens, par exemple.
© Université Paul-Valéry Montpellier 3 / Manon Sémélis et Éléa Rousset
© Université Paul-Valéry Montpellier 3 / Manon Sémélis et Éléa Rousset
La technique employée est dite « à l’imprimé » : deux couches de plâtre sont déposées, la seconde étant renforcée par de la filasse. Les marques de coutures de cette phase n’ont pas été supprimées et sont encore visibles sur le médaillon. La technique à l’imprimé permet de réaliser des œuvres en série. La maison-atelier comprenait plusieurs moules du relief conçu par Léopold, témoignant de son succès commercial en matière de décoration intérieure dans la région nîmoise au xixe siècle.
La faunesse est l’équivalent féminin du satyre, aussi appelé faune. Elle appartient à la mythologie gréco-romaine et est associée aux Bacchanales, fêtes votives en l’honneur du dieu éponyme, Bacchus. Reconnaissable à ses pattes de bouc, la faunesse est au centre de la composition, assise dans un moment d’intimité, attentive aux mouvements de son enfant. Le choix de cette iconographie rend compte de la permanence des thèmes mythologiques traités par Clodion, dont l’iconographie, le format et le traitement en relief s’adaptent sans peine à des supports et une clientèle variés.
© Université Paul-Valéry Montpellier 3 / Manon Sémélis et Éléa Rousset